Situationship

« Vouloir le beurre et l’argent du beurre » : vous connaissez tous cette expression quelque peu désuète. Cela veut dire vouloir tirer tous les avantages d’une situation en évitant la moindre frustration. Vouloir le beurre et l’argent du beurre, c’est bien le but inavoué du « situationship », cette manière d’être en couple sans dire qu’on l’est vraiment, en restant volontairement dans une zone grise.

Le « situationship » est au couple ce que le forfait sans engagement est au mobile : on profite de tous les services mais le mois d’après tout peut s’arrêter facilement. C’est une ambiguïté relationnelle librement consentie : on est plus qu’amis, on est plus que « sexfriends » mais on ne définie par vraiment ce qu’on est. On se contente de profiter sans se soucier du lendemain. L’évolution des états du couple au travers de l’histoire est édifiante : jusqu’aux années 60, la norme était le mariage qui était un engagement clair, total, socialement reconnu (et controlé). Mais avant le mariage, il y avait une période d’essai appelée fiançailles pendant laquelle on apprenait à se connaître, on se mettait d’accord sur le futur tout en restant chaste et si tout se passait bien, on se mariait. Et il faut peut-être rappeler que le mariage était au départ une protection légale, notamment pour les femmes, pour ne pas être répudiées facilement.

Puis, le concubinage est devenu une tendance lourde. On est un couple mais avec seulement un engagement moral et social mais plus du tout légal : en cas de rupture il n’y a pas la lourdeur d’un divorce… sauf qu’on finit quand même par acheter une maison et à avoir des enfants, ce qui s’apparente fortement à un engagement officiel ! On est un peu dans la situation d’un chat qui refuse de rester dans le salon si la porte ne reste pas entrouverte : il passe ses journées sur le canapé mais ça le sécurise de savoir qu’il peut toujours sortir ! Avant de vivre en concubinage, avant d’emménager ensemble, il y a aussi une période d’essai : on couche ensemble, on passe son temps ensemble et si tout se déroule bien on vit ensemble. Avec le « situationship » on passe un palier supplémentaire dans la peur de l’engagement car on est finalement dans la période d’essai de la période d’essai qui pourrait éventuellement aboutir à un concubinage… qui ne présente toujours pas les garanties du mariage ! 

Préférer la précarité à la sécurité, c’est quand même très étonnant ! C’est un peu comme dire « Franchement les CDI c’est bcp trop contraignant. Les CDD c’est mieux… mais pas encore assez flexible. Et si on faisait des contrats qui pourraient être rompus sans préavis chaque semaine ? » Imaginez un gouvernement proposerant ce genre de « situationship » social. Le lendemain, vous avez une grève générale dans tout le pays. Pourtant, ce que personne n’accepterait en matière social, on l’accepte sur le terrain sentimental. Pourquoi ? 

Parce que l’ambiguïté est moins anxiogène qu’un engagement clair : en cas de succès on profite et en cas d’échec on souffre moins… croit-on ! 

Je voudrais alors maintenant poser une question toute bête, limite naïve : où est l’amour là-dedans ? Une relation sentimentale fondée sur l’investissement limité, sur la peur de perdre, de souffrir et sur la volonté de préserver ses intérêts ressemble-t-elle encore à de l’amour ? Pas sûr ! Lisons un passage biblique dans lequel Jésus laisse son testament spirituel à ses disciples avant d’être arrêté et crucifié. Jésus y parle du commandement le plus important à respecter pour un disciple et cela nous donnera en même temps une définition de l’amour :

Jean 15.1 – Je suis le vrai plant de vigne et mon Père est le vigneron. 2 Tous les sarments, en moi, qui ne portent pas de fruit, il les coupe, et tous ceux qui en portent, il les taille afin qu’ils produisent un fruit encore plus abondant. 3 Vous aussi, vous avez déjà été purifiés grâce à l’enseignement que je vous ai donné. 4 Demeurez en moi, et moi je demeurerai en vous. Un sarment ne saurait porter du fruit tout seul, sans demeurer attaché au cep. Il en est de même pour vous : si vous ne demeurez pas en moi, vous ne pouvez porter aucun fruit.

5 Je suis le cep de la vigne, vous en êtes les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, portera du fruit en abondance, car sans moi, vous ne pouvez rien faire. 6 Si quelqu’un ne demeure pas en moi, on le jette hors du vignoble, comme les sarments coupés : ils se dessèchent, puis on les ramasse, on y met le feu et ils brûlent. 7 Mais si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez, vous l’obtiendrez. 8 Si vous produisez du fruit en abondance et que vous prouvez ainsi que vous êtes vraiment mes disciples, la gloire de mon Père apparaîtra aux yeux de tous. 9 Comme le Père m’a toujours aimé, moi aussi je vous ai aimés ; maintenez-vous donc dans mon amour. 10 Si vous obéissez à mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, tout comme moi-même j’ai obéi aux commandements de mon Père et je demeure dans son amour. 11 Tout cela, je vous le dis pour que la joie qui est la mienne vous remplisse vous aussi, et qu’ainsi votre joie soit complète.

12 Voici quel est mon commandement : aimez-vous les uns les autres comme moi-même je vous ai aimés. 13 Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. 14 Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande.

Selon Jésus, pour être sauvé il faut porter du fruit et il utilise la métaphore de la vigne pour nous dire comment faire : porter du fruit, c’est rester attacher à lui et à son enseignement. En quoi consiste porter du fruit ? C’est l’imiter en aimant ses frères et sœurs dans la foi. En quoi consiste cet amour ? À être prêt à donner sa vie pour eux. Et Jésus va donner l’exemple du vrai amour à ses disciples : quelques heures plus tard, il va se laisser crucifier pour obéir à la mission de sauvetage que Dieu son Père lui a confiée. Cette mission consiste à s’offrir comme sacrifice, à prendre le châtiment du Péché à la place de tous ceux qui mettront leur foi en lui. L’amour dont fait preuve Jésus est un amour sacrificiel, un amour qui se donne et les disciples devront faire de même. Ils devront être prêts à mourir pour l’annonce l’Évangile, prêts à mourir plutôt que dénoncer leur Église quand ils seront torturés, prêts à référer le bien et l’intérêt de leurs frères et sœurs dans la foi plutôt qu’au leurs. 

L’amour selon Jésus n’est pas calculé, mesuré ou parcimonieux. L’amour selon Jésus est :

patient, serviable, il n’est pas envieux ; il ne se vante pas, il ne s’enfle pas d’orgueil, il ne fait rien de malhonnête, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas, il ne médite pas le mal, il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il se réjouit de la vérité ; il pardonne tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout. (1 Co 13.4-7)

Il n’y a pas plus stable et sûr que cet amour car il est constant et inconditionnel !

Quand on pratique cet amour-là dans une communauté humaine comme une Église locale ou une famille ou un couple, on se sent en sécurité car l’autre ne nous trahira pas mais au contraire sera prêt à se dépouiller pour nous. Alors qu’avec le faux amour dont fait partie le situationship on se prête à l’autre, l’amour selon Jésus consiste à se donner. Bien entendu, cela passe par la confiance en l’autre, confiance en soi… mais dans cette métaphore de la vigne Jésus précise bien que cela ne dépend par des efforts des disciples ! C’est en étant attaché à Jésus-la vigne que le disciple est capable de faire preuve de ce genre d’amour, pas grâce ses propres forces. 

Et si on se mettait tous à pratiquer ce vrai amour ? Cela comblerait notre besoin d’absolu, d’authenticité, cela mettrait de l’intensité dans nos relations ! Et si l’on arrêtait le situationship amoureux, amical, familial, ecclésial ? Pour cela, il faut arrêter d’avoir peur pour désactiver notre besoin de contrôle et le meilleur moyen pour lâcher prise c’est de mettre notre confiance en Jésus qui contrôle tout et qui nous garde dans son amour. Alors laissons son Saint Esprit nous guider pour transformer, réparer nos relations et les mener vers quelque chose de super beau, de super excitant ! Plus vous misez, plus vous gagnez ! Misez tout sur Jésus et vous gagnerez tout avec lui. 

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