Dans son récent article [1. Si Dieu est si bon, pourquoi les chrétiens sont-ils si mauvais?], Simon Grunder abordait ce sujet en partant d’une question posée par un hindou à Ravi Zacharias : « Si la foi chrétienne est vraiment surnaturelle, pourquoi cela n’est-il pas plus visible dans la vie de beaucoup de chrétiens que je connais ? »
Simon a présenté le problème de l’hypocrisie. Des gens se déclarent chrétiens, mais ne veulent pas réellement mettre en pratique la foi dont ils se réclament. La religion est instrumentalisée pour des visées politiques, économiques ou égoïstes. Le nom de Dieu est utilisé pour justifier l’oppression. Tout cela existe, mais ce n’est encore que la moitié du problème. Même en considérant des chrétiens authentiques, qui veulent réellement se mettre à la suite de Jésus-Christ, on peut trouver à redire à leur comportement. Peut-être connaissez vous des chrétiens qui ont l’air parfaitement sincère, et qui cependant sont par moment parfaitement insupportables. Qu’en est-il ?
Le point de départ
La première chose à dire, c’est qu’on ne devient pas chrétien parce qu’on est meilleur que les autres. Jésus déclarait : « Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs[2. Marc 2.17.]. »
Les chrétiens ne sont pas l’élite de la race humaine, la crème de la crème, triés sur le volet pour leur bon comportement. On est chrétien entre autre parce qu’on a reconnu que ce qu’on faisait était mal, et qu’on était impuissant à changer. On devient chrétien en reconnaissant que la qualité de notre comportement ne nous rendra jamais juste et acceptable devant Dieu, et qu’on a besoin d’un pardon gratuit, que Dieu nous offre au travers de la mort de Jésus-Christ[3.Voir Pourquoi Jésus est-il mort : mort pour nos fautes.]. Le but n’est bien sûr pas de rester aussi mauvais, en reconnaissant le problème, on demande à Dieu l’aide nécessaire pour changer. Il n’en reste pas moins que l’Église ressemble plus à une maison de convalescence pour grands malades qu’à un régiment d’élite.
Tout de même, si les chrétiens sont ceux qui acceptent d’être transformés par Dieu et demandent son aide, ne devrait-on pas voir davantage de changement, davantage de différence par rapport au reste des hommes[1. Voir aussi Une identité transformée.] ?
Volontaire et réticent
Le chrétien s’engage sur une voie de transformation avec l’aide du Saint-Esprit. Le Saint-Esprit, c’est Dieu qui vient habiter dans le cœur des croyants. Pour certains, une transformation immédiate s’ensuit, des vices ancrés depuis des années appartiennent au passé dès le moment où ils reconnaissent leur besoin, leur impuissance, et Jésus-Christ comme celui qui peut les en libérer. Pour d’autres, ou les mêmes, certains traits de caractère néfastes restent présents très longtemps, et l’on ne grignote du terrain sur eux que très progressivement, avec des rechutes et des retours en arrière. Dieu n’est-il pas Tout-Puissant, ne peut-il pas transformer plus efficacement que cela ?
La question est difficile, et la réponse que je présente est une tentative, non une évidence. Je crois cependant que Dieu veut agir en sauvegardant notre personnalité et notre liberté. Il serait en son pouvoir de transformer instantanément tout notre être en ce qui est juste à ses yeux. Mais le risque serait que notre individualité, ce qui fait que nous sommes nous-même soit perdu dans le processus. Dieu pourrait créer des êtres parfaits à partir de rien, mais c’est nous avec qui nous sommes qu’il veut sauver et restaurer. Il a aimé les hommes que nous sommes, et ce n’est pas parce qu’il lui manquait un régiment d’anges. Bien sûr, le mal qui nous habite ne fait pas partie de notre identité fondamentale, nous pouvons être “nous” sans mal. Mais ce dernier est tellement profondément infiltré en nous qu’il faut procéder pas à pas. Dieu nous invite à changer, mais il implique constamment nos propres décisions, notre volonté. À chaque pas, nous pouvons suivre ou ne pas suivre son appel. Notre cœur est tortueux, troublé et faussé ; même si nous avons pris la décision de principe de renoncer au mal, nous trébuchons lorsqu’il faut reprendre cette décision dans chaque acte de la journée, chaque choix qui se présente. Dieu nous aide, nous tient par la main, nous donne son pardon pour nos fautes et l’aide d’autres personnes qui sont dans le même bain. Avec tout cela, nous progressons, mais avec tant de réticence que l’avance peut être frustrante et difficilement perceptible. Malheureusement, cela ne concerne pas que des broutilles. L’égoïsme viscéral, les préjugés d’une époque ou une haine tenace peuvent faire partie de ces choses qui demeurent et qui ne devraient pas.
Au final
Le fait que les chrétiens ne sont pas meilleurs que ce qu’on observe vient donc d’une part des hypocrites qui se font passer pour des chrétiens, d’autre part du fait qu’à la base les chrétiens sont aussi mauvais que n’importe qui, et finalement de ce que Dieu transforme en impliquant notre volonté et nos choix, ce qui ralentit le processus. Cependant, tout chrétien devrait être soucieux de progresser, être meilleur qu’il n’était dans le passé, et ceux pour qui ce n’est absolument pas le cas peuvent se poser la question du sérieux de leur engagement. Les imperfections des chrétiens ne montrent pas l’échec de Dieu, mais la douceur et la patience avec laquelle il procède. Toi qui me lis, si tu n’est pas encore chrétien, tu peux le devenir, ce n’est pas un privilège pour un caste particulière; Dieu est prêt à commencer le processus n’importe-où.
Pour conclure, je laisserai la parole à John Newton[5. Déjà mentionné dans mon article sur le film Django.], trafiquant d’esclave repenti et auteur du cantique « Amazing Grace », qui résume bien sa la situation du chrétien :
Je ne suis pas ce que je devrais être – oh combien imparfait et déficient ! Je ne suis pas ce que je voudrais être – j’abhorre ce qui est mal, et voudrais m’attacher à ce qui est bien ! Je ne suis pas ce que j’espère être – bientôt, bientôt je laisserai la mortalité, et avec la mortalité tout péché et imperfection. Toutefois, bien que je ne sois pas ce que je devrais, ni ce que je voudrais, ni ce que j’espère être, je peut vraiment dire je ne suis pas ce que j’étais ; un esclave du péché et de Satan, et je peux rejoindre de tout cœur l’apôtre [Paul] et reconnaître « par la grâce de Dieu, je suis ce que je suis. [4. Cité dans The Christian Pioneer (1856), Joseph Foulkes Winks Ed, p. 84. et The Christian Spectator, vol. 3 (1821), p. 186. D’après http://en.wikiquote.org/wiki/John_Newton, traduction par moi-même. L’auteur cite Paul dans la première lettre aux Corinthiens, chapitre 15, verset 10.]»
Jean-René Moret,
Juillet 2014
Question aussi abordée par C.S. Lewis dans Etre ou ne pas Etre…
Tiens je ne connais pas cet ouvrage. Lewis en parle aussi dans Mere Christianity (les fondements du Christianisme), surtout la dernière grande partie.