La question du sens est une question qui nous habite tous en tant qu’êtres humains. Nous cherchons à savoir d’où nous venons, où nous allons, qui nous sommes. Nous cherchons le sens de nos actions, des raisons d’orienter notre vie comme nos choix quotidiens. La question se pose aussi à l’échelle de l’histoire. La longue marche de l’humanité mène-t-elle quelque part ? L’histoire humaine a-t-elle un but ?
La maladie du sens
Pourtant, Sigmund Freud, le fondateur de la psychanalyse, écrivait dans l’une de ses lettres : « Quand on commence à se poser des questions portant sur le sens de la vie et de la mort, on est malade, car tout ceci n’existe pas de manière objective[1. Lettre de Freud à Fliess, cité par Luc Ferry, Qu’est-ce qu’une vie réussie ?, Le Livre de Poche, 2005, p. 205.]». Freud pose un jugement cinglant : non seulement le sens n’existe pas, mais il faut être malade pour y réfléchir.
Freud exprime bien la conclusion à laquelle il faut arriver si l’on considère que l’univers n’est que matière. À ce moment-là, l’être humain n’est qu’un élément matériel parmi d’autres. Il est apparu par hasard sur une planète de banlieue. Il s’agite actuellement à sa surface, pour une durée minime comparée à la vie d’une galaxie ou d’une planète. Il aura disparu avant d’avoir la moindre influence même sur l’étoile quelconque qui lui sert de soleil.
Quel sens ?
Si l’homme n’est que matière, nos joies, nos peines et nos souffrances ne sont qu’un déversement d’hormones. Notre ressenti est peut-être important pour nous, mais l’univers n’en a rien à faire. Si l’on se limite à ce qui peut être mesuré et prouvé, cela n’a pas de sens. Freud laisse cependant une échappatoire.
Il n’y a aucun sens en se limitant à ce qui existe indépendamment de nous (ce qui est objectif), mais peut-être peut-on en trouver un qui dépende de chaque personne (subjectif) ? Trouver ce qui me donne du sens à moi, pour moi ? Je peux certes chercher ce qui me plaît ou me semble intéressant. Je peux me choisir mon propre sens personnel. Mais cela ne donne pas de sens à l’expérience collective de l’humanité. Le sens que je choisis de trouver s’arrêtera avec mon existence. L’histoire continuera avec ses tragédies. Le seul témoin en sera un univers aveugle et indifférent.
Besoin de sens
Il n’est pourtant pas facile d’admettre simplement que toute l’histoire humaine est absurde. Cela nous révolte. Dire que rien n’a de sens, cela veut aussi dire que tout ce qui est arrivé de bien ou de mal est indifférent. La barbarie n’a rien de moins que la civilisation. La grande peste n’était pas plus mal que la fondation de la croix-rouge. Un millénaire de paix ou une troisième guerre mondiale n’ont rien de différent au yeux de l’univers.
C’est logique dans un monde purement matériel, et pourtant nous sentons qu’il doit y avoir un sens. Nous ne sommes pas faits pour vivre dans un monde vide de sens. Nous en cherchons et nous en attribuons toujours un. Mais si l’univers n’est que matière, cette attente d’un sens sera toujours frustrée. Et de plus, cette attente restera incompréhensible. Comment un univers absurde a-t-il pu créer une telle soif de sens ?
La réponse chrétienne
La Bible affirme que nous ne sommes pas le fruit du hasard opérant sur la matière. Nous sommes créés par Dieu, pour une destinée en relation avec lui. Nous sommes sensés refléter son caractère sur cette terre. Aimer les autres hommes a du sens, parce qu’ils ont de la valeur à ses yeux. La beauté, la vérité et la justice ont elles aussi de la valeur pour lui. Le mal sous toutes ses formes est vraiment condamnable sous son regard.
Notre soif de sens, notre besoin d’attribuer de la valeur vient de notre créateur. Pour lui rien n’est indifférent. L’histoire humaine, c’est aussi le lieu où Dieu s’est fait connaître. Il a parlé aux hommes depuis les temps anciens. En Jésus-Christ, il est venu vivre parmi nous, pour rétablir avec les hommes la relation qu’ils avaient brisée. Le sens ultime de l’histoire humaine se joue là. Serons-nous de ceux qui sont réconciliés avec Dieu et poursuivent éternellement leur existence avec lui ? Ou bien serons nous de ceux qui persévèrent dans la révolte, et recevront le jugement pour prix de leurs mauvaises actions ?
Jean-René Moret[1. Cet article est une amplification par l’auteur d’un article paru dans croire et vivre, N°146, Juin 2016.], septembre 2016