Le problème du mal est une vieille question. L’homme s’y sent confronté depuis longtemps, et pour beaucoup c’est l’objection ultime à la conception d’un Dieu bon et tout-puissant. Quelle issue face au mal?
Qu’est-ce que le Mal?
Mais avant de parler plus du mal, il faut savoir ce qu’on entend par là. Je reprendrais pour cela une définition inspirée du théologien Henri Blocher : ce qui est et ne devrait pas être[1. Blocher, H., Le Mal et la Croix, Sator, 1990.]. Le mal, ce sont des choses que l’on observe, et que l’on estime injustifiable. Dans notre expérience et notre ressenti, nous reconnaissons le mal par ce qu’il suscite en nous : des sentiments de honte et d’indignation. Nous avons honte lorsque notre comportement n’est pas ce qu’il devrait être, et nous nous indignons quand nous ou d’autres subissent un sort injuste.
Reconnaître le mal
Il faut déjà relever que le fait de poser le problème du mal, le fait d’accuser Dieu à cause du mal signifie en soi reconnaître la présence du mal, reconnaître qu’il y a un ordre des choses telles qu’elles devraient être, que nous en avons une idée, et que le mal transgresse cet ordre. Si cette idée est entièrement personnelle et subjective, il n’y a pas de raison d’en faire un argument concernant Dieu, au mieux on peut constater qu’il n’a pas la même définition du bien et du mal que nous. Pour que la question du mal ait une pertinence face à Dieu, il faut reconnaître qu’il y a une dimension objective au mal[1. Voir à ce suje Si Dieu n’existe pas, qui est en droit de décider de manière absolue de ce qui est bien ou mal ? et « Le bien et le mal sont determines par l’éducation, la société et les choix personnels. »].
Il n’est pas difficile de constater la présence du mal autour de nous ; nous voyons des peuples souffrir de la famine, nous voyons les puissants détourner le droit à leur profit , nous voyons des promesses brisées, des relations rompues, la haine et le mépris là où devrait être l’amour, l’indifférence en place de la compassion, l’indulgence au lieu de la justice et la vengeance à la place du pardon. Nous regardons notre monde, et l’indignation emplit nos coeurs.
Le mal en nous
Mais si notre conscience, réveillée par tant de scandales, se tourne maintenant vers notre propre vie, nous trouvera-t-elle innocents ? Qui peut dire qu’il n’a jamais trahi la confiance de personne, qu’il n’a jamais manipulé un autre pour son propre profit, qu’il a rendu à chacun son dû ? Si nous sommes des occidentaux, nous bénéficions aussi du système économique injuste qui spolie les plus faibles pour accumuler les richesses dans les pays dits développés. D’autre part, qui n’a pas répondu au mal par le mal, n’a pas dit une parole injuste en réponse à une offense, n’a pas calomnié un rival, n’a pas usé du “deux poids, deux mesures” ?
Dans la pratique et dans notre expérience, si nous nous regardons honnêtement, nous devons reconnaître que nous faisons partie du problème du mal, que nous le pratiquons nous-même, que nous participons à sa propagation et à son amplification. Le problème du mal n’est finalement pas que Dieu ne serait pas bon, mais que nous ne le sommes pas.
D’où sort le mal ?
Dans le dessein originel de Dieu, l’homme est fait pour vivre en relation avec lui. L’homme est conçu pour recevoir de Dieu ce qui est nécessaire à sa vie et à son équilibre, y compris la possibilité de distinguer le bien du mal. Mais l’humanité a choisi de se détourner de Dieu, de décider par elle-même de ce qui est bien et mal, et Dieu a respecté cette décision. Mais l’homme s’est ainsi coupé de Dieu, et dans cette nouvelle situation il dysfonctionne, il fait ses propres choix qui s’avèrent mauvais. Il y a suffisamment de reste de ce que Dieu a placé en l’homme pour que celui-ci ait une idée du bien et du mal qui lui permet de se rendre compte que les choses ne tournent pas rond. Mais globalement, même avec son idée imparfaite du bien et du mal, l’homme ne suit pas ce qui lui semble bien, et le résultat se fait durement sentir.
Dieu, lui, est parfaitement bon, et il a le mal en horreur, c’est pourquoi le mal que nous commettons créée une barrière entre lui et nous. De notre côté, nous fuyons Dieu en sachant que nous faisons le mal, nous nous voilons la face, nous ne voulons pas être confronté à la norme parfaite de la justice, face à laquelle nous n’aurons plus d’excuses. Ainsi, l’indignation de Dieu et notre honte travaillent ensemble, la distance entre Dieu et nous croît, le fossé se creuse, et le problème va de mal en pis.
Pas de solution humaine
Pour nous, humains, nous sommes si englués dans le mal, si pris dans l’engrenage, qu’il n’y a pas de moyen venant de l’homme pour restaurer la relation avec Dieu. Les systèmes humains qui tentent d’acheter Dieu ne peuvent certainement pas fonctionner, et les tentatives d’instaurer la justice par des moyens humains ont souvent fini par des atrocités pires que ce qu’elles combattaient.
Quelle solution divine?
Au final, la solution ne peut venir que de Dieu. Une solution évidente serait de faire périr l’humanité dans un torrent de flamme, ce qui mettrait un terme à l’injustice humaine, mais ce n’est finalement pas la solution que Dieu a adoptée.
Dieu s’est d’abord révélé à un petit groupe de personnes, à un peuple avec qui il a établi une relation, une relation d’alliance, et à qui il a donné des ordonnances en vue d’une juste manière de vivre, avec des cérémonies pour effacer la culpabilité devant Dieu et la honte qui en résultent. Mais là encore, la dureté du cœur humain a empêché le peuple d’Israël (car c’est bien d’eux qu’il s’agit) de respecter fidèlement l’Alliance de Dieu, de sorte que ces dispositions ne pouvaient avoir qu’un rôle préparatoire et pédagogique en vue de la suite du plan de Dieu.
La suite, c’est que Dieu est devenu homme en Jésus de Nazareth, il a vécu une vie exempte de tout mal et a démontré ce qu’était le bien. Mais, toute à sa rébellion, l’humanité ne pouvait supporter sa présence et Jésus a été mis à mort par crucifixion, lui le seul que rien ne condamnait. Pourtant, cet acte ultime d’injustice, Dieu l’avait prévu et en avait fait l’acte ultime d’amour : dans sa mort qu’il ne méritait pas, Jésus prend sur lui la sanction que tous les hommes méritaient. Toute l’indignation de Dieu contre le mal humain est retombée sur lui. Son innocence a ensuite été manifestée par sa résurrection des morts, et il est devenu le modèle d’une humanité nouvelle et restaurée.
Ainsi, par sa mort, Jésus comble le fossé entre Dieu et l’homme. Mais comme notre volonté est impliquée dans la rupture avec Dieu, elle doit aussi être impliquée dans la réconciliation avec lui. Devenir chrétien, c’est accepter qu’en Jésus, Dieu a fait le nécessaire pour briser l’engrenage du mal et de la culpabilité, et retrouver avec Dieu la relation pour laquelle nous sommes faits.
Dans cette perspective, il est clair que le but du pardon de nos fautes n’est pas de pouvoir continuer à perpétuer le mal, mais au contraire de s’en détourner, d’en briser l’engrenage, d’être transformés et de devenir agents de Dieu pour le bien dans ce monde, et pour faire connaître aux hommes la réconciliation avec Dieu. Ce processus est très progressif parce que Dieu continue à respecter notre liberté, et que nous devons apprendre auprès de lui à choisir le bien, il n’y a pas d’automatisme, mais une progression avec ses chutes et difficultés. Face au problème du mal, la foi chrétienne offre de cesser d’être une partie du problème, pour commencer à participer à la solution.
Alors, ami lecteur, veux-tu entrer dans le plan de Dieu pour libérer l’humanité du mal?
Jean-René Moret, 2013, révisé 2016
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