On pense facilement que nos sociétés occidentales sont sécularisées, qu’il n’y a plus de dieux, que l’homme est adulte, autonome et libre. Mais de fait, nous avons simplement changé de dieux. D’où attendons-nous notre sécurité ? À qui sommes nous prêts à offrir notre temps, nos ressources ? Vers qui s’orientent nos pensées, qui fixe nos objectifs de vie ? Qui craignons-nous d’offenser ? La terminologie des divinités a largement disparu, mais leur fonctions sont toujours bien présentes. Je vous propose de regarder de plus près une des puissances qui gouverne notre monde, j’ai nommé : l’argent.
Il serait facile de commencer par la frénésie des grands centre financier, où l’argent circule de compte en compte, toujours plus vite, pour des rendements faramineux – avec également les abus et échecs que l’on sait.
Mais regardons plutôt nos situations courantes ; l’argent fait partie de nos grands orientations de vie. Le salaire que l’on touche fait partie de ce qui détermine nos choix professionnels comme notre statut social. On pense facilement qu’un compte en banque bien remplis est un gage de sécurité pour l’avenir. L’argent promet aussi la liberté à celui qui a les poches bien remplies : ce qu’il veut quant il veut, aller où il veut, faire ce qu’il veut. Les promesses de l’argent se formulent également en termes de pouvoir : une influence que l’on peut exercer, la possibilité de plier les autres à sa volonté. Sur la base de ces promesses, combien de personnes ont sacrifié vie de famille, santé, intégrité, goûts et passions !
Il ne s’agit pourtant pas de dire que l’argent est mauvais en soi. Essentiellement, l’argent représente une certaine quantité de travail, un effort investi, des ressources mises à disposition. Travailler pour “gagner sa vie” est un bon principe : dans un système qui fonctionne bien, cela signifie que l’on a contribué à la marche de la société en proportion de ce que l’on retire d’elle. Rechercher un équilibre dans la gestion financière revient à être conscient de ce que les choses coûtent et à décider d’où viennent les ressources investies.
Des impératifs de gestion se justifient donc. Mais l’argent tend facilement à devenir une fin en soi. On l’accumule, en pensant par là contrôler notre avenir. On le recherche en pensant qu’il peut nous donner tout le reste. On n’envisage plus de fournir du temps ou de l’effort sans être rémunéré. On s’imagine de plus en plus que seul ce qui a un prix a une valeur. Derrière la recherche de l’argent transparaît une volonté de tout contrôler par notre mérite ou notre astuce.
Pourtant, l’argent n’a qu’une valeur conventionnelle ; c’est parce qu’on lui reconnaît une valeur qu’il permet d’acheter biens et services. Dévaluations et faillites viennent occasionnellement rappeler que le géant a des pieds d’argiles. D’autre part, comme Jésus le rappelait[1. Évangile selon Luc, chapitre 12, verset 20.], il nous faudra tous mourir un jour(valar morghulis, pour les fans de Game of Thrones), et nos inquiétudes et nos efforts ne peuvent nous garantir de prolonger cette vie en aucune manière. Lorsque le glas sonnera, notre argent ne s’en ira pas avec nous – on n’a jamais vu un corbillard remorquer un coffre-fort. Et puis, tant de bonnes chose de cette vie sont gratuites, ne s’acquièrent pas par le mérite ou l’effort. La beauté de la plus simple des fleurs, un coucher de soleil, une amitié sincère, un amour partagé, toute ces choses donnent de la valeur sans qu’une accumulation de richesse ne soit nécessaire pour les obtenir. La logique économique se centre sur le fait que les ressources sont limitées, la foi ouvre les yeux sur le fait que tant nous est donné[2. Je suis en partie redevable à Spufford, F. Unapologetic – Why, Despite Everything, Christianity Can Still Make Surprising Emotional Sense, HarperOne, 2013 pour l’opposition entre la logique de rareté qui imprègne la théorie économique de la valeur et l’abondance perceptible en sortant de cette logique.]. L’argent a donc une certaine utilité, mais ne peut réaliser tout ce qu’il promet. Il est un serviteur utile, mais devient facilement un maître écrasant.
Comment donc échapperons-nous à la toute puissance de l’argent ? Comme chrétien, je soutien qu’il faut un vrai Dieu pour détrôner un faux dieu. Pour déboulonner l’argent, la meilleure solution que je connaisse est de placer sa sécurité dans le Dieu vivant ; de reconnaître que la vie d’un homme ne dépend pas de ce qu’il possède [3. Évangile selon Luc, chapitre 12, verset 15. ], en cherchant la valeur des choses dans le regard de Dieu plutôt que dans la logique du marché.
Cet article ne prétend bien sûr pas suffire à te convaincre du Dieu chrétien, mais à te faire prendre du recul sur un des entités qui peuvent occuper sa place dans notre société. Pour en savoir plus sur le Dieu dont je me revendique, il te faudra continuer ta recherche !
2 réflexions sur « L’argent, dieu ou serviteur? »