Précédemment, j’ai écrit sur la Règle d’or [1], cette fameuse loi morale universelle commune à de nombreuses religions et philosophies. Elle nous invite à ne pas faire à l’autre ce que l’on ne veut pas qu’on nous fasse, ce qui est, en somme, une garantie de liberté pour soi, et le fondement de notre idée moderne de tolérance. La règle d’or est également une éthique de réciprocité. Mais Jésus est allé plus loin que la réciprocité en nous montrant le chemin d’un amour pro-actif. Un amour non sélectif qui nous met en mouvement vers l’autre, et nous communique ainsi une joie complète, à travers un décentrement de soi [2]. Mais en quoi l’enseignement moral – ou éthique – de Jésus se distingue-t-il de celui des autres chefs religieux de son époque ?
- Les religieux lient de pesants fardeaux sur le dos des hommes.
Les pharisiens, un parti religieux du temps de Jésus, était connu pour sa rigueur légaliste. Ils faisaient peser de nombreuses lois sur le dos des gens, et Jésus compare tous ces « fais ci – fais pas ça » à de pesants fardeaux. Jésus n’a pas été tendre avec eux, quand il a dit : « Les maîtres de la loi et les pharisiens sont chargés d’expliquer la loi de Moïse. Donc, vous devez leur obéir et vous devez faire tout ce qu’ils vous disent, mais n’agissez pas comme eux. En effet, ils ne font pas ce qu’ils disent. Ils rassemblent des charges – fardeaux – [3] très lourdes et ils les mettent sur les épaules des gens. Mais eux, ils refusent d’y toucher, même avec un seul doigt ! Toutes leurs actions, ils les font pour que les gens les regardent »[4]
La religion consiste à faire pour être vus et applaudis par les hommes. La religion, c’est encore ne pas faire, mais dire quand même « fais ci – fais pas ça » pour exercer une pression sur les autres et exercer un contrôle sur eux. C’est le contraire de l’amour, c’est de la manipulation ! Jésus, quant à lui, n’a pas cherché à exercer une pression religieuse sur les autres, et il n’a jamais couru les like sur les réseaux sociaux et les places publiques de son époque. Il n’a pas exigé l’amour de ses disciples ; mais il leur a montré l’exemple en les aimant le premier.
- Jésus est venu nous confier un fardeau léger.
Voilà ce que Jésus dit à ses disciples : « Venez auprès de moi, vous tous qui portez des charges très lourdes et qui êtes fatigués, et moi je vous donnerai le repos. Je ne cherche pas à vous dominer. Prenez donc, vous aussi, la charge que je vous propose, et devenez mes disciples. Ainsi, vous trouverez le repos pour vous-mêmes. Oui, la charge – le fardeau –[5] que je mettrai sur vous est facile à porter, ce que je vous donne à porter est léger. »
Mais quelle est donc cette charge, ce fardeau léger dont Jésus parle ? Ce fardeau léger, c’est SON commandement NOUVEAU. Jésus a résumé tous les prophètes et toutes les religions qui l’ont précédé en un principe : aimer Dieu et le prochain. Mais il va plus loin que cela : Il montre un exemple d’amour parfait à ceux qu’il a pris à son école – ses douze disciples – et il leur dit :
« Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres (…) comme je vous ai aimés (…). Alors tout le monde saura que vous êtes mes disciples. »[6] Et il dit encore : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis… ». Jean, l’un des douze, redit à sa manière les paroles de Jésus : « A ceci nous avons connu l’amour – Jésus –[7], c’est qu’il a donné sa vie pour nous. Nous aussi nous devons donner notre vie pour les frères ». Quel est donc le fardeau que Jésus veut nous confier ? Ce fardeau, c’est un fardeau d’amour : aimer en se donnant pour les autres comme lui – Jésus – a aimé tous les hommes en donnant sa vie pour eux.
- Jésus est venu porter le fardeau de ceux qui le suivent.
Donner sa vie pour l’autre… ce fardeau est-il vraiment « léger » ? Oui ! Le fardeau de Jésus est léger, parce que celui qui veut être notre maître est un maître-serviteur, doux et humble de cœur. Il ne cherche pas à nous dominer. Au contraire, toute sa vie, de sa naissance à sa mort sur une croix, a été vécue sous le signe du service. Toute sa vie a été un don d’amour pour les autres.
Et il dit à ses disciples, qui se disputent pour savoir qui est le plus important : « Les rois qui commandent leur peuple en maîtres et ceux qui exercent le pouvoir se font appeler “bienfaiteurs”. Mais il n’en va pas ainsi pour vous. Au contraire, le plus important parmi vous doit être comme le plus jeune, et celui qui commande doit être comme celui qui sert. En effet qui est le plus important, celui qui est à table ou celui qui sert ? Celui qui est à table, n’est-ce pas ? Eh bien, moi je suis parmi vous comme celui qui sert ! »
Un autre parmi les douze, Pierre, a dit ceci de Jésus : « Déchargez-vous sur lui de tous vos soucis, car lui-même prend soin de vous ». Jésus ne lie pas de pesants « fais ci – fais pas ça » sur les épaules de ceux qui le suivent, mais il les prends en charge, il en prend soin. Jésus prend lui-même le fardeau de nos épaules pour le porter avec nous. En fait, c’est lui qui nous porte, en nous donnant la force d’aimer, car de nous-mêmes, nous n’en sommes pas capables.
- La Loi du Christ, c’est porter le fardeau de l’autre.
Jésus est venu nous montrer le chemin d’un amour concret : un amour qui se donne, pardonne, et s’engage. Et un amour qui s’engage est prêt à payer le prix. L’apôtre Paul écrit, dans sa lettre aux chrétiens de la Galatie[8] : « Portez les fardeaux les uns des autres et vous accomplirez ainsi la loi du Christ ». Mais qu’est-ce que ça veut dire, porter le fardeau de l’autre ?
La vie elle-même nous enseigne que l’amour coûte. C’est le cas dans la vie de couple, l’éducation des enfants, et les relations amicales : ces choses impliquent, de notre part, des concessions et des sacrifices. Aimer une personne heureuse exige peu de nous, mais imagine : Un de tes amis traverse une grosse épreuve dans sa vie. Il est en souffrance et a besoin d’être écouté. Il te sera impossible de l’aimer, de l’aider, et de l’écouter sans souffrir avec lui. C’est d’ailleurs le sens étymologique du mot com-passion : souffrir avec. Il est impossible, face à la douleur de l’autre, de rester soi-même indemne et de ne pas partager, d’une certaine façon, sa détresse. Aimer, c’est un peu se mettre à la place de l’autre. Et « Tout Amour qui transforme notre vie implique ce genre d’échange. »[9]
Cet amour qui souffre avec celui qui souffre, c’est la voie ouverte par Jésus : celle d’un amour qui s’engage. Une compassion qui ne détourne pas ses regards face à la souffrance de l’autre, mais qui accepte de souffrir avec lui, qui « pleure avec ceux qui pleurent »[10]. Une compassion qui aime l’autre dans sa souffrance et prend ses larmes au sérieux. Car il est dit de Dieu qu’il « nous console dans toutes nos douleurs, afin que, par la consolation que nous recevons nous-mêmes de sa part, nous puissions consoler ceux qui se trouvent dans toutes sortes de douleurs ! »
- L’amour concret de Jésus, c’est la valeur de référence en matière d’amour vrai.
Si l’amour se limite à de belles paroles et à de bons sentiments, alors, jamais mon besoin d’être aimé tel que je suis ne sera satisfait. Mais l’apôtre Jean a écrit ceci : « Voici comment nous savons ce qu’est l’amour : Jésus Christ a donné sa vie pour nous. Nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères et nos sœurs. Si quelqu’un a les moyens de vivre et voit son frère ou sa sœur dans le besoin mais lui ferme son cœur, comment peut-il prétendre qu’il aime Dieu ? Mes enfants, n’aimons pas seulement en paroles, avec de beaux discours ; faisons preuve d’un véritable amour qui se manifeste par des actes ! »[11]
Veux-tu aller plus loin sur le chemin d’un amour concret ? Alors regarde à Jésus. Il a dépassé la règle d’or pour nous montrer l’amour parfait : un amour concret qui se manifeste par des actes, un amour qui se donne, un amour qui pardonne, un amour qui s’engage, et qui est prêt à payer le prix.
Aurélien Bloch, 2022
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Notes
- Voir notre article, Jésus et la règle d’or, : https://www.foienquestions.eu/?p=3351
- https://www.foienquestions.eu/?p=3351
- NDR – note de l’auteur de l’article.
- La Bible, Évangile selon Matthieu, chapitre 23 versets 2–4.
- NDR – note de l’auteur de l’article.
- La Bible, Évangile selon Jean, chapitre 13 versets 34–35.
- NDR – note de l’auteur de l’article.
- Actuellement une région de la Turquie.
- KELLER Timothy, La raison est pour Dieu : la foi à l’ère du scepticisme, Lyon, Clé, 2010, p. 227.
- La Bible, Lettre de Paul aux chrétiens de Rome, chapitre 12 verset 15.
- La Bible, Première lettre de Jean, chapitre 3 versets 16–18.
Une réflexion sur « L’amour selon Jésus, plus que des beaux sentiments, des actes ! »