Qu’est-ce que la science nous apprend de l’échec ? – une chronique du Comptoir ép.4

Qu’est-ce que la science nous apprend de l’échec ?

A ce sujet, je voulais parler de génétique et plus précisément d’ADN polymérase… Non, ne partez pas tout de suite, promis ce ne sera pas trop compliqué !

Ok, je dois être la seule à penser ADN polymérase quand on parle d’échec, mais laissez-moi vous expliquer. Et pour commencer, un petit cours de génétique pour les nuls…

L’erreur est humaine

L’ADN, vous connaissez (acide désoxyribonucléique), c’est notre patrimoine génétique : il contient un code propre à chaque individu, qui va lui conférer ses spécificités.

Concrètement, l’ADN c’est une molécule formée d’une longue suite de nucléotides, A, T, G, C dans un ordre bien précis et propre à chacun. Et il y en a beaucoup à la suite : près de 3,2 milliards !

Et cet ADN qui va être présent dans chaque cellule de votre corps doit être répliqué. Pour cela, il existe tout une machinerie dans vos cellules qui est dédiée à la réplication de l’ADN et notamment une enzyme qui va faire office de « photocopieuse génétique », l’ADN polymérase.

Mais cette ADN polymérase, il s’avère qu’elle n’est pas tout à fait fiable. Elle fait des erreurs ! à peu près 1 erreur tous les 100 000 nucléotides. Vous me direz peut-être que ce n’est pas énorme, mais rappelez-vous : votre ADN est constitué de près de 3,2 milliards de nucléotides !! Je ne vous fais pas le calcul, mais ça fait pas mal d’erreurs à la fin – même si en fait, la plupart sont corrigées par un système de réparation (on est bien faits quand même !). Et donc au final, il va rester des erreurs qui vont passer au travers des mailles du filet de notre machinerie cellulaire, aussi performante soit-elle.

Ces erreurs de réplication qui vont rester dans l’ADN vont donner des mutations génétiques.

Vous voyez maintenant le rapport avec l’échec ? Même notre corps humain fait des erreurs, qu’on le veuille ou non ! ça fait partie intégrante de nous ; l’échec n’est pas seulement dû aux circonstances extérieures : il est intrinsèque à l’être humain.

Mutation = échec ?

Alors, mutation = échec ? Oui, en soi c’est un échec de la machinerie cellulaire dans le sens où l’ADN polymérase ne fonctionne pas comme prévu, il y a dysfonctionnement.

Mais en même temps, ce qu’on observe en étudiant les mutations, ce sont leurs conséquences très diverses et pas seulement négatives :

    • Certes elles peuvent être délétères, c’est-à-dire qu’elles auront un impact négatif sur l’individu. Et là on pense notamment aux mutations qui induisent des maladies génétiques.
    • Mais elles peuvent aussi être neutres, c’est-à-dire qu’elles ne changeront rien au fonctionnement du corps humain, et donc elles n’ont aucun impact sur l’individu.
    • Et mieux encore, les mutations peuvent conférer ce qu’on appelle des avantages évolutifs à l’être humain. Par exemple, il se trouve que certaines populations d’Asie du sud-est ont une résistance au Paludisme. En 2009, une équipe de l’Institut Pasteur a découvert que cette résistance était due à une mutation apparue il y a près de 1500 ans et présente préférentiellement dans cette population.

L’échec de notre machinerie cellulaire n’est donc pas une fin en soi. Il peut amener des conséquences positives.

Science, progrès et échec

Pourquoi y a-t-il des échecs de fonctionnement intrinsèque à l’être humain ? Je ne sais pas. La science ne répond pas à cette question en fait. Elle ne répond pas à la question du pourquoi, ce n’est pas son rôle… mais ce qui est cool avec la science (surtout la génétique !), c’est qu’elle nous permet de mieux comprendre notre fonctionnement et d’améliorer nos conditions de vie… mais en nous faisant grandir en connaissance, elle nous fait aussi grandir en humilité quand on constate que l’être humain, aussi intelligent soit-il, reste limité et faillible à l’image de son ADN polymérase !

Une chronique de Cécile Maalouf, pour le podcast le Comptoir

 

 

L’intégralité de l’épisode est disponible sur Youtube et Spotify :

 

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