Science et miracles

On pense souvent que la science et les miracles s’opposeraient au point de s’exclure mutuellement. Mais finalement, qu’est-ce que la science, et qu’est-ce qu’un miracle?
Sont ils conciliables?

Oui.

Bon, il paraît qu’il faut étayer un peu cette réponse. Il est vrai que les scientifiques les plus médiatisés ont plutôt tendance à faire croire le contraire. On peut penser à la campagne prosélyte de Dawkins ou au tonitruant “Physics leaves no room for God” de Stephen Hawking. Bien sûr, je pourrais juste vous affirmer qu’il y a des scientifiques croyants, Dawkins le reconnaissant lui-même dans son livre “The God delusion”.

Évidemment, aujourd’hui nous n’allons pas poser la question “est-il possible d’être scientifique et croire aux miracles ?”, mais plutôt “croire aux miracles est-il logiquement cohérent avec l’approche scientifique ?”. Peut-on être scientifique, croire aux miracles et ne pas sombrer dans la schizophrénie ?

I – Qu’est-ce que la science ?

Je crois pouvoir vous dire sans vous surprendre qu’un scientifique est quelqu’un qui fait de la science. Et donc, se pose naturellement la question de la nature de la science. Il est donc important de revenir sur un concept central à ce débat : le matérialisme méthodologique.

Il s’agit d’une règle de travail pour la recherche scientifique qui pourrait s’énoncer de la manière suivante : toute explication doit être fait en termes matériels. Voilà c’est dit. On ne cite pas Dieu, pas de démons non plus, juste une explication purement matérielle.

Il faut comprendre cependant que rien ne nous dit a priori que cette pétition de principe est vraie. L’idée, c’est que si une telle explication existe, on va la trouver. Cela réduit le champ des explications possibles (qui est très très large) et nous permet, en général, d’obtenir des capacités prédictives.

Il n’est cependant pas difficile d’imaginer des situations où cela est voué à l’échec, ou pire, où une telle explication existe sans être pour autant la bonne. Mais on s’accroche à cette méthodologie pour plusieurs raisons :

 

  •  – en pratique, il est assez difficile de trouver une explication matérielle. Aussi, lorsque l’on en trouve une, on pense qu’elle est bonne
  •  – la science est une affaire communautaire, partagée par des scientifiques du monde entier, d’arrière-plans très différents. Cela inclut l’aspect religieux. Pour pouvoir travailler ensemble, on refuse d’aborder la question de Dieu ;
  • – il est souvent facile de faire appel à une entité divine pour expliquer un phénomène. Aussi, le matérialisme méthodologique évite de stagner avec les explications faciles.

Malheureusement, cette appellation semble suggérer une idéologie matérialiste. Pourtant, il s’agit plutôt d’un aveu d’impuissance : rien de ce qui n’est pas matériel n’est explorable par la méthode scientifique. Ainsi, au moins a priori, cette méthode ne rejette ni l’existence de Dieu, ni son intervention dans le monde.

II – Qu’est-ce qu’un miracle ?

Avant de me faire brûler au bûcher, laissez-moi continuer quelques instants. D’abord, je ne m’attarderai pas sur l’existence de Dieu, c’est un tout autre sujet, bien plus long à développer, bien plus intéressant et donc bien plus difficile à traiter. Ensuite, laissez-moi définir ce que j’entends par miracle et ainsi, pourquoi il me semble compatible avec l’approche scientifique.

Wayne Grudem définit le miracle ainsi :

“Un miracle est une activité divine moins ordinaire par laquelle Dieu se rend témoignage à lui-même et suscite de l’admiration et de l’étonnement chez les gens.”

Cette définition entre-t-elle en conflit avec l’approche scientifique ? Oui et non.

D’un certain point de vue, oui, puisqu’elle affirme l’existence d’événements ponctuels non répétables, donc impossibles à explorer scientifiquement. Mais, en même temps, cette non répétabilité met simplement l’évènement en dehors du champ d’étude de la science.

En fait, en un sens, c’est même l’approche scientifique qui donne toute sa valeur au miracle. En effet, un miracle est une activité “moins ordinaire”, ce qui suppose une régularité dans les autres activités. Ainsi, on ne distingue une violation des lois de la physique que si ces dites lois existent. On pourrait presque dire que croire aux miracles requiert d’être scientifique !

Regardez par exemple : les chrétiens croient à la résurrection de Jésus (c’est presque la définition d’un chrétien). Cette résurrection aurait-elle quelque chose de spécial ou d’important si elle n’était pas la seule ?

Conclusion

Je pense en fait, que pour un scientifique, il n’y a pas beaucoup d’options disponibles : ou bien les miracles existent, ou ils n’existent pas. Mais affirmer leur inexistence revient à un postulat supplémentaire, une forme de scientisme : la science ne peut l’explorer donc cela n’existe pas. Pour un croyant, au contraire, la science permet d’étudier le régulier et par là même de discerner des miracles. Aussi, il n’y a pas de conflits entre la science et les miracles mais seulement entre une certaine interprétation de la science et les miracles.

Ainsi, reconnaissons au moins que lorsque nous rejetons les miracles par principe, nous adhérons à une idéologie naturaliste qui n’est pas conséquence de la science, mais qui s’y rajoute.

Christoph Charles, Novembre 2013

Une réflexion sur « Science et miracles »

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